Envie de lui envoyer la plus belle des missives? Mais quoi écrire pour le toucher au cœur? Quatre bôôôôs écrivains nous révèlent les petits trucs du métier…

Côté écrits amoureux, rien de tel que le fameux: «Baise m’encor, rebaise moy et baise/ Donne m’en un de tes plus savoureus, Donne m’en un de tes plus amoureus/ Je t’en rendray quatre plus chaus que braise» de Louise Labé. Mais la belle cordière écrivait quand même au XVIe siècle… Pour des conseils plus «actuels», on a donc fait appel à quatre hommes qui vivent pour les mots, et qui ont tous écrit et reçu des lettres enflammées: Patrick Brisebois, Louis Hamelin, Robert Lalonde et Gaétan Soucy.

Premier choc, si vous pensez qu’un «Je t’aime» bouleverse les gars, détrompez-vous! Quand il lit une lettre d’amour, Patrick Brisebois, qui décrit pourtant de son écriture coup-de-poing un univers sexuel et bien arrosé, cherche cette phrase toute simple: «Je m’ennuie de toi.» «Ça traduit le manque, l’attente. J’adore.» Très proche de la phrase fétiche de Robert Lalonde: «Je t’attends.» «Il me semble que la personne qui attend dit beaucoup. Elle dit que, quoi qu’il arrive, notre rapport existe. Quand quelqu’un me signifie d’une manière privilégiée que je suis toujours présent dans sa vie, cela me bouleverse.»

 

Pour faire craquer le rebelle Louis Hamelin, il faut lui murmurer le mot «sauvage». «Ça vient de « sylva », forêt. Les forêts sont des endroits où l’on se rend naturellement pour s’isoler et s’aimer. Pour aimer, pas besoin de public, la discrétion a quelque chose de plus attirant, de plus secrètement érotique. Sauvage, ça veut dire: commence donc par t’approcher un tout petit peu de moi.» Quant à Gaétan Soucy, un seul mot lui vient à l’esprit. « »Plotinette! »: c’était le nom de la partie intime de la femme que j’ai aimée le plus au monde.» On est, avouez-le, à mille lieues du fameux «Je t’aime»… D’ailleurs, cette formule, Patrick Brisebois s’en méfie… «C’est facile de le dire ou de l’écrire, mais ce sont les gestes qui comptent!» D’autres mots à bannir d’une lettre d’amour? Le pire, selon Louis Hamelin: «ordinaire». «L’amour, en soi, est quelque chose d’extraordinaire, non? Sa fonction principale est d’ailleurs de nous sortir de « l’ordinaire » qui tue. La vision qui me déprime le plus dans la vie, c’est un couple qui n’a rien à se dire au restaurant. Si ça devient aussi ordinaire que la soupe, la viande et les patates, aussi bien laisser tomber.» Robert Lalonde, lui, exècre le «Où étais-tu?» «Il y a de la possessivité, de la jalousie dans cette formule. Je déteste me faire dire cela. D’ailleurs, cette phrase a été à l’origine de plusieurs de mes ruptures.» Ce que Gaétan Soucy n’aime pas voir dans une lettre d’amour, c’est le spectre de la rupture: «Va-t’en.» Patrick Brisebois, quant à lui, conseille de bannir la «non-réaction». «Il n’y rien de pire que lorsque tu dis ou écris quelque chose à l’être aimé et qu’il le passe sous silence. Derrière ce geste je lis: « Je ne suis pas intéressé, tes sentiments ne sont pas partagés.»

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Les mots à utiliser, les mots à éviter… Reste à faire une lettre de tout ça!

 

La lettre parfaite

La lettre parfaite

Inutile de sortir vos livres de poésie pour vous inspirer, les formules ampoulées n’ont pas la cote. Les «Je me meurs de toi» ou «Tes yeux couleur d’azur», pas vraiment. D’ailleurs, nos écrivains s’entendent là-dessus: ne pesez pas trop fort sur le crayon HB! Règle n° 1: la sincérité. «Essayer de plaire, c’est toujours perceptible. L’autre se rend toujours compte que l’on fait des efforts pour avoir l’air aimable, passionné», explique Robert Lalonde, qui a déjà donné des ateliers d’écriture de lettres d’amour. Utilisez un vocabulaire qui vous appartient, exprimez votre passion avec vos propres moyens. «Même si ce n’est pas toujours digne d’une anthologie des lettres d’amour, que ça n’a rien à voir avec les lettres de Napoléon et de Joséphine, il faut être sincère et puiser dans un choix de mots qui nous est propre. Si je suis comparé à un beau fruit juteux par quelqu’un qui est gourmand, j’y serai très sensible.»

 

D’après notre quatuor, les lettres d’amour doivent révéler l’intimité; celle d’un geste, d’un regard, d’une caresse qui appartient à la personne seule et nous bouleverse.

L’intimité sexuelle aussi. «J’aime les lettres directes, raconte Patrick Brisebois. On dit que les gars ne pensent qu’au sexe, mais les filles aussi y pensent, sans toutefois l’avouer. Moi, j’aime savoir qu’elle me désire.» Idem pour Gaétan Soucy. «Il n’y a rien qui plaît plus à un homme que de se faire dire qu’il est un bon amant. Une lettre qui commencerait par: « Tu es l’amant le plus merveilleux que j’aie connu », m’atteindrait en plein cœur, mais il faut que ça soit vrai.» Comment être vraie dans une lettre d’amour, alors que les clichés semblent si facilement y trouver refuge? «Il faut que ça soit senti, souffert. On ne peut pas aimer si on n’a pas connu la souffrance. Cette dernière nous apprend la solidarité, l’ouverture à l’autre. Si c’est une vraie relation, on devrait pouvoir parler de notre souffrance. Mais dans un monde dominé par Loft Story, elle est mal vue. On est en train de tuer l’amour», s’insurge Gaétan Soucy. Si après tout ceci, vous ne savez pas quoi écrire, vous pouvez toujours vous rabattre sur les petits riens à la Diderot: «Je ne tuerai pas non plus une puce sans vous en rendre compte.»

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À lire:

Patrick Brisebois, Chant pour enfants morts, L’Effet Pourpre.
Louis Hamelin, Le joueur de flûte, Boréal.
Robert Lalonde, Un jardin entouré de murailles, Boréal.
Gaétan Soucy, La petite fille qui aimait trop les allumettes, Boréal.